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Après l'averse
30 juin 2019

# 20

Avant, avant d’emménager avec Monsieur, je me souvenais régulièrement de mes rêves. Le matin, en prenant le petit-déjeuner, j’avais l’habitude de raconter mes rêves à ma mère, qu’il s’agisse de choses complètement farfelues ou de rêves semblant être réalistes. Depuis qu’on vit ensemble, j’ignore pourquoi (avoir changé d’appartement ? ne plus dormir seule ? avoir conscience que quelqu’un est à côté de moi pendant mon sommeil ? avoir un autre rythme de vie ?), mes rêves disparaissent à mon réveil. Certaines bribes persistent de temps en temps, mais c’est très rare.

L’autre nuit, j’ai dormi seule, chez mes parents, et, bizarrement (ou naturellement ?), j’ai rêvé. A mon réveil, je me suis souvenue avec grande précision de tout mon rêve. Il doit être dans mon top 10 de rêves étonnants (je me souviens de certains rêves ayant eu lieu lorsque j’étais en primaire ou au collège, qui, eux aussi, étaient très étonnants).

Je le raconte ici pour en garder une trace écrite. C’était d’ailleurs plus un cauchemar qu’un rêve, mais je l’ai trouvé très intéressant (je dirai même : très parlant).

 

J’étais la personne que je suis dans la réalité : même identité, même caractère, même histoire, même physique. J’étais une espionne pour « l’Occident ». Je ne me souviens pas si je travaillais pour la France, la Grande Bretagne ou un autre pays européen. Je sais juste avec certitude que j’étais espionne pour une démocratie actuelle. J’assistais à un sommet ou à une grande conférence, dont les deux acteurs principaux étaient la Syrie et la Russie. Poutine et Bachar en étaient les dirigeants. J’ignore si mon rêve se passait en 2019 ou ultérieurement. Aucune date, aucun repère chronologique n’existait.

J’assistais donc à ce sommet. J’étais dans un grand amphithéâtre, rempli de personnes en costards. Des intervenants montaient sur une estrade et parlaient de choses et d’autres (je ne m’en souviens plus en détail) sur la Syrie et la Russie. Ma mission était autant simple que compliquée : rendre compte minutieusement de tout ce que je voyais. Qui parlait. Qui disait quoi. Qui s’asseyait à côté de qui. Qui serrait la main de qui. Qui sortait fumer une clope avec qui. Qui allait aux toilettes un peu trop longtemps. Qui jetait un regard discret à qui. Qui était rivé sur son téléphone. Qui était stressé. Qui était serein. Qui transpirait à grosses gouttes. Qui affichait un sourire carnassier. Qui était victime. Qui était le boss. Je devais être (sans jeu de mots) l’œil de Moscou.

Il ne fallait pas que je me fasse choper. Il ne fallait pas qu’on (qui est on ?) réalise que je vienne en tant qu’espionne, pour observer et tout décortiquer. J’ignore quelle était ma couverture, mais j’en avais une. Je devais me fondre dans la masse et être la plus ordinaire possible, n’éveiller aucun soupçon.

A un moment donné (il n’y a pas de suite logique avec l’assemblée où je me tenais), des ennemis (des Russes ? des Syriens ? des Américains ? des Chinois ?) me font faire une visite guidée de leurs prisonniers politiques. Ils (les ennemis) m’accompagnent dans un endroit surveillé, ressemblant plus à un camp de travail qu’à une prison. Je vois de très nombreuses femmes habillées avec un code couleur uni (il y avait des femmes habillées en jaune, en violet, en rouge, en bleu), afin de pouvoir les reconnaître facilement. On m’expliquait également que les couleurs étaient volontairement très vives afin qu’elles ne puissent pas s’enfuir (difficile de se cacher en étant habillée en jaune poussin des pieds à la tête). Les ennemis me racontent qu’elles luttent pour l’avortement, qui est désormais interdit. Je me dis dans ma tête (ou bien est-ce à mon réveil ?) que la situation ressemble à la série The Handmaid’s Tale. Je deviens très mal à l’aise vis-à-vis de cette visite guidée. Je la perçois comme étant un avertissement de la part de mes ennemis, qui, je crois, commencent à se douter que ma couverture n’est qu’une couverture. J’essaie de rester indifférente pendant toute la visite du camp de travail, alors que je suis dans mon pays (lequel ?) une fervente partisane du droit à l’avortement. Je fais comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes alors que je voudrais que ces femmes soient immédiatement libérées et expatriées en Europe en tant que réfugiées politiques.

Je retourne dans l’assemblée, pour écouter la conférence. Au fur et à mesure des discours présentés, des énormes gardes viennent arrêter différents intervenants et différents auditeurs, de manière arbitraire. Les conférences continuent, avec ces arrestations régulières en fond sonore. Personne ne proteste, tout le monde fait comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Certaines personnes sont tuées au cours du sommet, dans la salle, sous nos yeux. Il ne s’agit pas d’attaque terroriste : les personnes tuées sont choisies avec soin par le pouvoir. Je commence à me sentir de plus en plus mal, je crains d’être découverte. J’essaie de rester imperturbable mais je sais que mon angoisse est visible. Mes chefs (français ? anglais ? européens ?) m’avaient donné des boîtes de pastilles contre les maux de gorge. Ces pastilles étaient en fait du cyanure. Mes chefs m’avaient expliqué qu’en cas de problème majeur, je devais me suicider avant de tomber aux mains des ennemis, pour ne pas livrer de secrets d’Etat.

Je prends une pastille. Aucun effet ne se produit. Plusieurs personnes s’approchent de moi et me demandant « Madame l’Averse, pourquoi prenez-vous subitement des médicaments alors que vous êtes en pleine forme ? Vous n’avez pas toussé depuis le début de la conférence. »

Je comprends que je suis piégée et que je me suis trahie avec ces pastilles. Je comprends qu’on a échangé mes pastilles de cyanure contre des véritables pastilles contre le mal de gorge. Je comprends que je vais mourir, non pas grâce à mes pastilles, mais à cause des mecs autour de moi.

Je bafouille que j’ai la gorge qui gratte, d’où les pastilles, sans réussir à être convaincante. Je suis grillée. On m’arrête.

Je découvre que l’une de mes cousines (qui existe vraiment dans la réalité) est à la solde des Russes. Elle me dit devoir me tuer, pour prouver son allégeance au pouvoir. Je lui explique que je comprends tout à fait, et que je préfère être tuée par elle que par quelqu’un d’autre. D’une part, je termine ma vie en famille, d’autre part, comme nous nous apprécions beaucoup, elle me tuera de manière propre et rapide, sans trop me faire souffrir. Je lui explique tout cela, en lui disant de me tuer rapidement, pour ne pas qu’une autre personne s’en charge en me torturant. Je lui explique ne pas avoir trop peur de mourir mais d’être terrifiée par la torture, la douleur, l’humiliation et la prison. Je lui demande de se magner les fesses car quelqu’un d’autre peut venir prendre le relais à n’importe quel moment. Elle me dit ne pas réussir à accepter de me tuer, mais qu’elle sera elle-même tuée si elle n’accomplit pas sa tâche. Je rétorque avoir peut-être des pastilles dans mon sac qui fonctionnent réellement. Elle répond que si j’en prends, ce sera un suicide de ma part, et non pas un assassinat de la sienne, et qu’elle aura donc des problèmes puisque ma mort doit découler de ses mains. Les ordres sont formels. Son but n’est pas que je sois simplement morte, mais que je sois tuée par elle-même. Elle continue en me disant hésiter énormément, ne pas savoir quoi faire, ne pas savoir comment procéder, ne pas savoir comment choisir entre son amour de presque sœur à mon égard et son devoir envers son engagement moral et politique. Je réponds un magnifique « Bon bah on fait quoi alors, il faut se dépêcher là »

Et je me réveille. J’ouvre les yeux. Je vois mon lit. Je me réjouis de n’avoir vécu qu’un simple rêve, et non pas une situation réelle. Je pense à ma cousine qui est à la solde des Russes et je rigole, la tête encore posée contre mon oreiller. J’hésite à lui dire plus tard dans la journée en l’appelant ou en lui envoyant un texto (elle pourrait se vexer de son rôle dans mon rêve). Je trouve mon rêve intéressant. Angoissant mais intéressant. Je me dis (toujours au fond du lit) qu’il faut impérativement que je le retranscrive rapidement par écrit, pour m’en souvenir. J’ai une pensée pour les femmes aux Etats-Unis, je me dis l’espace d’un instant « Mais quels cons en Alabama. »

Ma journée se déroule tout à fait normalement. Comme souvent après un cauchemar, je me réjouis de ma vie. Je me réjouis souvent de ma vie (cela ne veut pas dire que je cauchemarde souvent). Je me fais la réflexion que le Bureau des Légendes a peut-être trop d'impact sur mon inconscient.

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Commentaires
A
Dawn girl : j'ai déjà des pistes :) et il y a des éléments vrais : j'ai beaucoup plus peur de la souffrance que de la mort par exemple. Si j'avais la certitude de mourir sans douleur (en dormant ou par exemple sur le coup), je pense que je n'aurais pas trop peur de la mort. Plus exactement : c'est la douleur de la mort plutôt que la mort en tant que telle qui m'angoisse.<br /> <br /> <br /> <br /> Zofia : oui c'est rageant de se souvenir de bribes et de les voir s'évaporer sans pouvoir rien faire ! J'espère aussi rêver plus souvent ici. C'est bête mais ça me manque !
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Z
J'adore rêver et me souvenir de mes rêves !! et celui-là est incroyable !! j'en ai fait un très farfelu cette nuit mais depuis mon réveil, il m'a échappé... ça s'échappe très vite. Je suis sûre que tu vas de nouveau rêver dans ton nouveau chez-toi d'ici quelques temps.
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D
Je pense que ce serait intéressant d'analyser ce rêve 😊
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