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Après l'averse
13 janvier 2018

# 1

C'était il y a une éternité. Je suis assez rouillée. Je n'ai aucune idée de la direction dans laquelle je vais. Je ne sais pas encore si je vais être assidue ou non. Je ne sais pas encore s'il s'agit d'une lubie ou si je vais tenir sur le long terme. Je me souviens de la joie éprouvée lorsque j'écrivais. Une forme de soulagement. Je n'ai jamais réussi à tenir un journal intime. J'ai toujours eu peur qu'il soit lu. Lors de mes rares essais, j'utilisais des codes. Que j'oubliais. Malin comme un singe, ou plutôt : con comme un pigeon. Ou alors je faisais un mélange de caractères latins, grecs et russes (règle numéro 1 quand, au collège, on aspire à devenir espionne : apprendre plusieurs alphabets). J'ai beaucoup écrit les deux dernières années. Ce n'était absolument pas "ma vie mon oeuvre". Au contraire, c'était très formel, mais cela me plaisait. J'ai été entourée de personnes qui écrivent. L'une de mes grands-mères tenait méthodiquement un carnet retraçant, pratiquement minute par minute, l'intégralité de ses journées. Les repas préparés. Les appels passés. Les conversations échangées. Les personnes rencontrées. Les lieux visités. Les lettres reçues. Les courriers envoyés. Les tâches accomplies. L'argent dépensé. Aucun sentiment. Seulement du factuel. C'était rigoureux, détaillé, froid, sans fioriture. Quelque chose proche de la mouche morte piquée par quatre épingles d'entomologie. Je l'ai toujours vue écrire ses carnets. Je ne sais pas s'il s'agissait de journaux intimes, car la voir écrire publiquement, à son bureau, entre la poire et le fromage, était tout sauf quelque chose de secret ou d'intime. A sa mort, je n'ai pas su si j'avais le droit de lire ou non ses carnets. Personne n'en a jamais parlé. Elle faisait aussi beaucoup de photos. Des tonnes, des tonnes, des tonnes de photos. Elle était excellente pour documenter sa propre existence. J'ai toujours aimé l'existence des gens. Les observer. Les écouter. Parler avec eux. J'ai toujours aimé les personnes âgées - d'ailleurs, j'aime aussi beaucoup cette expression -. J'ai lu quelques carnets. Rien de très folichon, mais cela m'a quand même fait briller l'oeil à quelques reprises. Voir son écriture décliner au fil des pages était une impression étrange. Je souris seule en écrivant ces lignes car je ne pensais absolument pas parler de ma grand-mère pour commencer cette nouvelle première page. Mon père écrivait beaucoup de poèmes. Je ne suis pas vraiment fan de poésie. Cela ne me touche pas. Une forme d'hermétisme. Je peux trouver tel vers tout à fait bien tourné ou tout à fait bien trouvé, en restant pourtant indifférente. Pas de palpitation ou de chair de poule. N'étant pas fan de mon père, je ne me suis jamais donné la peine de lire ce qu'il a fait. Je ne sais pas s'il s'agit d'une passion, d'un attrait, ou d'un passe-temps de dimanche d'hiver. Je ne sais pas si, justement, ce sont des phrases bien tournées ou si c'est d'un ennui mortel. Je n'aurai vraisemblablement pas d'avis objectif à ce propos. Enfin, il y avait mes deux grands-pères. Je ne sais pas si c'est un hasard ou s'il s'agissait d'une chose d'une banalité affligeante à l'époque, mais tous deux ont rédigé leurs mémoires. L'un a été minutieusement recopié en plusieurs exemplaires par ma grand-mère. Je ne sais pas pourquoi elle a joué au moine copiste alors que les photocopieurs existaient déjà. L'autre a été tapé à la machine sur des feuilles aujourd'hui jaunies. L'un est écrit en français, mais je ne me suis pas encore donné la peine de le lire en entier (je l'ai seulement parcouru), tandis que l'autre est écrit dans une langue que je maîtrise mal (toute une histoire, j'en parlerai sans doute plus tard). 

Elle m'avait dit il y a des années "Il faut connaître son passé pour comprendre le présent et savoir où l'on va". Ou quelque chose comme ça. Je mets des guillemets mais je n'ai pas la certitude absolue du choix des mots employés. Pourtant c'est bien l'idée générale. Elle m'a énormément marquée. La phrase, comme la personne. J'ai un vif goût pour l'introspection. Quand je m'emmerde, je me fais des retours arrière. Non pas des "Si j'avais su / il aurait fallu", mais plutôt une forme de nostalgie, sans pour autant tomber dans le sentimentalisme assez réac du "c'était mieux avant". Tout n'a pas été facile, tout n'a pas été rose, mais tout a été formateur, intéressant et utile. Tout me semble utile, même si on s'en rend compte parfois des années après. Je suis du genre à tirer des choses bénéfiques de chaque merde. Au début, je vois une belle grosse merde bien gluante. J'analyse ladite merde. Je me demande comment on fait, ce qu'ont fait les autres dans une situation similaire. J'échange, je discute, je me renseigne. Je la regarde de loin. Je trouve une solution. Si je ne trouve pas de solution, je demande de l'aide. Puis je digère ma merde. Et je suis contente quelques jours, quelques mois ou quelques années après, d'avoir été face à cette merde. Ces merdes sont des mouches aux ailes percées par des épingles d'entomologie. Les regarder de loin me procure une certaine satisfaction d'être sortie gagnante de ce duel. 

J'ai la réjouissance facile et rapide. Je peux m'extasier devant la forme d'un nuage, une conversation entendue du coin de l'oreille dans le métro, que je trouve tout à fait charmante, l'odeur d'un gâteau qui sort du four, le sourire que m'adresse une personne que j'aime, la couverture d'un livre disposé en tête de gondole... On dit de moi que je suis quelqu'un de "sage", de "mesuré", de "sérieux", de "calme" (GRAVE ERREUR : je fais souvent des crises d'hystérie, sauf qu'elles restent dans ma tête) pourtant, j'ai le sentiment d'avoir encore des impressions ou des réactions que j'avais déjà lors de mon enfance. 

J'ai plein d'idées mais je dois les organiser, voir si c'est bien ou non. J'hésite entre écrire au fil de l'idée, en passant du coq à l'âne, exactement comme ce que je viens de faire. Ou bien, au contraire, j'avais pensé à m'imposer un thème précis par article. Un mot, un souvenir, un sentiment ou une situation précise à retranscrire. Je ne sais pas. Les deux choix se valent. Je vais voir. Aucune critique de livre, série ou film : je suis merdique là dedans. Juste un carnet de notes, sans code secret gréco-russe digne d'une bataille navale, oublié moins d'une semaine après sa création.

 

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Commentaires
A
Merci beaucoup Audrey :)
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A
Contente que tu sois de retour :)
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A
Merci Dawn Girl, ton enthousiasme me touche !! :)
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D
Oh putain tu as rouvert un blog JOIIIIIIIIIE !!!!!!!!!!! <br /> <br /> <br /> <br /> pardon... 😜
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A
Merci beaucoup Zofia :) Je n'ai pas encore décidé, je vais voir !
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