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Après l'averse
27 septembre 2018

# 14

J’ai fait une liste de souvenirs-sourires qui me font rire. Je pense en partager quelques-uns (tous ?) ici.

Quand j’étais petite, j’étais anormalement grande. L’un de mes parents est issu d’une famille de géants, l’autre descend d’une lignée de personnes relativement petites (pas lilliputiens, juste, petits pas grands).

J’étais donc anormalement grande : sur mon carnet de santé, j’atteignais la plus haute ligne de croissance. J’étais un poulet bio dopé aux hormones (pourtant ma mère ne me faisait rien ingurgiter d’anormal). Les pédiatres étaient assez inquiets quant à ma taille, ma mère répondait laconiquement « Oh, elle est grande, comme presque toute sa famille » (une de mes grands-mères, née en 1919, faisait 1m75, ce qui est quand même assez fou pour cette génération, l’autre, née en 1921, devait avoisiner difficilement le mètre 60, avec des talons conséquents).

Plusieurs hommes de ma famille frôlent les 2 mètres, l’un d’entre eux est furieux comme un pou de ne pas mesurer un chiffre rond. C’est un drame de vie. Cruel destin.

Je pense avoir grandi jusqu’à la classe de troisième ou de seconde. J’ai eu mes règles en sixième, mais ça ne m’a pas empêchée de continuer de grandir, encore et encore. Je n’ai jamais mal vécu le fait d’être grande : on m’a toujours dit : « c’est comme ça ». D’ailleurs, certains adultes de mon entourage me disaient, au contraire, des choses très valorisantes quant à ma taille (ce que je trouve assez débile : on n’y peut rien d’être grand ou petit, ce n’est pas une qualité, un effort fourni ou un joli trait de personnalité, mais uniquement un signe distinctif). Aujourd’hui, proportionnellement parlant par rapport à l’âge et à la taille que j’avais en CP, je suis bien moins grande. Je ne suis plus anormalement grande. Je suis juste « pas du tout petite ».

J’ai toujours été une grande entourée de grands (ceux qui vivent du côté de mon mètre soixante-quinze d’aïeule).

Voilà pour le contexte. Le souvenir, maintenant.

Je rentre en CP. Je suis assez anxieuse (j’ai toujours été anxieuse, je suis encore anxieuse, j’espère être moins anxieuse, mais c’est un autre sujet). Je me rassure en lisant (autre blague à venir) les listes des classes affichées à la grille de l’école. Je retrouve plusieurs amis de l’école maternelle dans ma classe, puisqu’il s’agit d’un établissement accueillant à la fois des élèves de maternelle et de primaire. J’arrive à l’école le lendemain matin, après moult bisous maternels, moult « tout ira bien ma petite Averse » et autres pensées magiques.

J’arrive dans la classe. Tout se passe pour le mieux. Je n’arrive plus à savoir si je m’assois à côté d’un ami ou d’une amie ou si la personne à mes côtés est parfaitement inconnue. Je ne m’en souviens plus. Je m’assois donc.

Je fais face à un petit problème métaphysique qui, je le comprends immédiatement, m’empêchera de vivre sereinement cette année de CP. Rien de moins. Je lève la main.

-          Maîtresse ?

-          Oui l’Averse ?

-          Maîtresse j’ai un problème.

-          Que se passe-t-il ?

-          J’ai un problème de table.

-          Un problème de table ?

-          Mes genoux dépassent de la table. Je peux pas les mettre dessous. Ca cogne et ça me fait mal. Je sais pas comment je vais faire pour écrire. Et je peux pas me pencher car comme mes genoux rentrent pas dessous je suis éloignée de la table.

-          Ah. Bon. Euh. Attends. J’arrive. Je réfléchis. Je regarde.

Elle arrive. Elle réfléchit. Elle regarde. Elle constate mon problème de table.

-          Bon. Je comprends. Oui effectivement c’est un problème. Je comprends le problème. Ne t’inquiète pas. Il ne faut pas s’inquiéter (c’était elle l’inquiète, pas moi). A la récréation, je vais arranger tout ça, on va te donner une table plus grande et une chaise plus grande et tu pourras mettre tes genoux en dessous.

 

Je me souviendrai toute ma vie de la tête de la maîtresse quand je lui ai fait part de mon problème de table. Elle était sidérée. Horrifiée. Stupéfaite. Paniquée. Sans voix.

Pour moi, c’était juste un problème de table (gênant, mais pas apocalyptique, ce n'était quand même pas un pipi dans la culotte ou que sais-je). Pour elle, c’était un peu la fin du monde.

Elle m’a dit quelques temps plus tard (jours ? semaines ?) que c’était sa première année d’enseignement et qu’elle avait été élève pour être maîtresse l’année précédente. En gros, elle devait avoir grosso modo mon âge actuel voire être un peu plus jeune. Et j’ai dû lui flinguer sa première rentrée.

Malgré tout elle a parfaitement géré (j’ai effectivement eu une table à ma taille après la récréation). Ce qui était à mourir de rire : les bureaux étaient assemblés deux par deux. La table de mon voisin et la mienne se touchaient, mais les parties horizontales n’étaient pas à la même hauteur. C’était pas très pratique pour les activités manuelles. Quand le plan de classe changeait (souvent ? parfois ?), je me promenais avec mon grand bureau là où la maîtresse décidait de me placer (jamais au premier rang, bien évidemment).

Je trouvais ça rigolo comme situation et je continue de trouver ça rigolo. J’y pense en souriant. La tête de ma maîtresse. Les genoux qui rentrent pas. Le problème de rentrée. L’arrangement rapide.

Je n’ai jamais fait partie de ces filles / femmes grandes qui se ratatinent. Je trouve ça triste à pleurer. J’en ai connu une, une fois. Elle était plus grande que moi (je suis relativement grande, en gros je fais la taille d’un mec, mais je suis loin, très loin des 2 mètres considérés comme le Saint Graal par les mecs de ma famille), elle se courbait toujours pour se diminuer. Quand elle était assise, elle se vautrait. Quand elle était debout, elle se transformait en bossue. C’était super triste. Elle n’assumait pas. Je suis heureuse de n’avoir jamais été comme ça. Je suis grande et c’est tout, on n’y peut rien, ce n’est rien. Alors que pour elle, sa taille, c’était tout un monde. Un monde à renier.

Il y a trois femmes dans ma famille qui sont plus grandes que leur mec. Je fais partie de ces trois-là. Pour moi, ce n’est pas vraiment un problème. Je me contrefous de savoir qu’il soit plus grand ou plus petit que moi. Je dirai même plus : je n’ai pas besoin qu’il soit plus grand que moi, sinon, nous ne serions pas ensemble. Je n’ai pas besoin d’être protégée, couvée, surveillée, chouchoutée en raison d’une éventuelle taille supérieure du mec. Je ne dis pas que celles qui sont plus petites que leur copain pensent toutes comme ça. Je remarque simplement qu’on m’a déjà demandé si cela ne me gênait pas qu’il ne soit pas protecteur car plus petit. Pour moi, ce n’est pas ça la protection, mais c’est une autre histoire. Je trouve ça assez déplacé comme type de question. Et assez agaçant d’associer la taille à une éventuelle qualité (et, encore une fois, de considérer que j’aurais besoin d’être protégée.) Lui, je sais que ça le gêne, moi, je m’en contrefous. La seule chose qui m’énerve est quand on me fait remarquer que je suis plus grande que lui. D’une part, je ne suis pas aveugle. D’autre part, quel est le problème concernant le fait qu’une meuf soit plus grande que son mec. Sachant que, je précise, je ne fais pas non plus trois têtes de plus que lui (et si c’était le cas : et quand bien même ?).

Parfois, je le charrie en lui disant que si on a un jour un bébé ensemble, il ou elle le dépassera de très loin à l’âge adulte (je me fais incendier lorsque je prononce ces mots un poil provoc).

Mon père est aussi plus petit que moi, et pourtant je continue d’avoir peur de lui.

 

Et pour boucler la boucle :

Ma maîtresse de CP était minuscule. Mais vraiment. Elle n’était pas naine, elle était tout à fait proportionnée, mais elle était lilliputienne. On s’entendait très bien. Je ne sais pas si c’était le problème de table qui nous a rapprochées, si elle m’aimait bien à cause de mon caractère ou s’il y avait un paramètre dont j’ignore l’existence qui est la raison de notre bonne entente, mais nous nous entendions vraiment très bien. Un jour, mais je ne sais plus quand (En CP ? Ou bien après le CP ?) elle m’a expliqué refuser d’enseigner à d’autres classes que le CP ou le CE1, par peur d’être plus petite que ses élèves. Je me souviens d’elle m’expliquant qu’il faudrait se faire respecter par des plus grands qu’elle et que cela lui semblait impossible. Je me souviens ne pas comprendre pourquoi sa taille entrait en corrélation avec la notion de respect (j’ai été élevée par une femme qui m’a dit que dans la vie, pour sa sécurité et son bien-être quotidien, on n’emmerde pas la police, on n’emmerde pas les maîtres et les maîtresses, on n’emmerde pas les femmes de ménage et les concierges, mais on peut emmerder tous les autres, avec tout de même un degré d’emmerdage relativement bas, politesse oblige. La police, les profs, les boulots précaires et ingrats : c’est sacré, on touche pas, on évite les histoires. Les autres : on peut montrer les crocs tout en restant un tant soit peu civilisé). En CM2, j’étais plus grande qu’elle, qui n’était plus du tout ma maîtresse mais que j’aimais encore beaucoup. Sur la photo de classe de CP (aujourd’hui perdue, mais je m’en souviens très bien), je me tiens fièrement au dernier rang, droite comme un i, la tête qui dépasse tout le monde.

Sacrés genoux.

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Commentaires
A
Zofia> Oui, je comprends tout à fait. J'avais une bonne amie au lycée (perdue de vue depuis) qui était petite (je crois même qu'elle prenait des hormones de croissance mais je n'ai jamais eu confirmation car c'était quand même super tabou comme sujet). Elle, elle n'était pas la plus petite de la classe mais carrément la plus petite de l'établissement, au point que quand je l'ai vue la première fois en classe de seconde je croyais qu'elle accompagnait sa grande sœur ou qu'elle s'était trompée de classe (c'était un collège lycée, elle faisait la taille des sixièmes et cinquièmes en classe de seconde). Elle se faisait pas emmerder par qui que ce soit, tant mieux !! On passait beaucoup de temps ensemble (on était un groupe de filles avec plusieurs grandes). Les grandes du groupe (dont moi) prenions l'habitude de nous asseoir par terre dans les couloirs pour discuter, pour que la différence soit moins flagrante. Je préférais rester avec elle en étant assise (soit en étant assise à côté d'elle en classe, soit à la cantine etc), c'était plus pratique pour moi et surtout moins gênant pour nous deux.
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Z
De mon côté, j'étais plutôt en-dessous la courbe de taille normale ^^ <br /> <br /> J'ai toujours été la plus petite, partout, tout le temps, ça m'a jamais trop perturbé même si pendant un an, en 6ème, les 3ème n'ont pas arrêté de me faire chier à cause de ça... <br /> <br /> Mais je comprends très bien ce que pouvait ressentir ta maîtresse de CP, ma taille est aussi un des paramètres qui m'a fait renoncé à devenir instit'. C'est très intimidant de devoir tout le temps lever la tête pour parler, pour regarder et même si on ne veut pas le ressentir, on peut quand même avoir un sentiment d'infériorité, du coup dans une situation de "pouvoir" comme se faire respecter par des petits cons en CM2 qui ont 13 ans (parce qu'ils ont redoublé deux fois) et qui font déjà 1m80 quand toi tu fais 30 cm de moins, c'est pas vraiment facile à envisager comme situation...!
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A
Pas à ma connaissance (ou alors je n'ai pas remarqué). Ce sont des sièges tout simples, un peu comme l'esthétique Ikea. Il y a une barre horizontale pour reposer les pieds si on n'est pas adepte des pieds qui pendouillent 😊
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D
Ils font encore les chaises hautes avec le dossier estampillé Ronald Mc Donald ? Je les trouvais magnifiques (et je n'ai pas mis les pieds au McDo depuis 1995 comme tu peux le constater)
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A
J'ai une passion pour les jambes qui pendouillent dans le vide. Les chaises hautes du Mcdo, il n'y a que ça de vrai !
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