# 18
Je prévois de revenir ici bientôt (bientôt...).
J'ai emménagé avec Monsieur.
J'ai quitté mes parents (enfin, soyons réalistes : j'ai quitté le quai en souriant à mon beau-père et en lui adressant un petit geste de la main, tout en me roulant par terre de douleur à l'idée de ne plus vivre avec ma mère - nous avons ce qu'on peut appeler une relation fusionnelle (j'ai longtemps rêvé mourir avant ma mère pour ne pas connaître la douleur de la perdre) (Babar et Bambi sont des traumatismes non terminés) (je sais je suis folle)).
On s'appelle une à plusieurs fois par jour elle et moi, mais j'essaie de faire ça en cachette de Monsieur pour ne pas qu'il pète un plomb. Mon beau-père, je l'appelle une fois de temps en temps, il est blasé, on s'aime quand même.
Jusqu'à présent, vivre avec lui était conceptuel. Bien sûr, j'avais ses clefs, bien sûr, j'allais chez lui toutes les semaines, bien sûr, j'avais de la place pour y mettre mes affaires, bien sûr, je me sentais bien avec lui. Mais je n'avais pas compris ce que signifie vivre avec quelqu'un.
Et je m'en réjouis. Pour des choses débiles.
Je me réjouis de le retrouver le soir en rentrant à la maison. Je me réjouis de dire "chez nous", "notre chambre", "à la maison". Je me réjouis de ces moments inutiles passés ensemble, tels que faire la vaisselle (ô joie), suspendre le linge (ça je préfère) ou préparer le repas (c'est plutôt lui qui gère, j'aime moyennement cuisiner, ou, pour être plus exacte, je sais faire à manger mais je ne cuisine pas). Je me réjouis de nos fous rires quotidiens. J'ai pris connaissance hier soir de la médiocrité de l'insonorisation, en entendant les ébats amoureux de mon voisin du dessus. Ayant un rire cataclysmique (et riant aux éclats plusieurs fois par jour), j'ai très peur qu'il me déteste dès à présent (il y a quand même des soirs où je me tape un fou rire à 1h30 du matin...). Je me réjouis de notre lit MERDIQUE qui me procure un mal de dos PHENOMENAL (j'ai un dos de vieille dame pleine d'arthrite et un matelas premier prix, les deux ne font pas bon ménage), parce que, malgré tout, on dort ensemble chaque nuit. Je me réjouis aussi (mais je râle quand même) de son habitude nocturne qui consiste à se rouler sur moi en dormant ou même, carrément, à mettre son bras sur ma tête pendant qu'il dort (et je ne me plains pas de son habitude à prendre toute la couette, s'il n'y avait que ça tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes). Une nuit, j'ai gueulé un "PUTAIN MAIS TU TE FOUS DE MA GUEULE ARRETE DE FAIRE COMME LES CHATS EN TE VAUTRANT SUR MOI TU M'ECRASES EN PLUS TU PRENDS LES TROIS QUARTS DU LIT IL Y EN A QUI VEULENT DORMIR AUSSI MERDE ALORS TU FAIS CHIER" (ça l'a mollement réveillé). (Un jour, ou plutôt une nuit, je ferai des photos de lui affalé sur moi pour avoir la preuve formelle qu'il est nuitamment le roi des emmerdeurs). (Heureusement, de jour, ça va, il est vivable).
Je me réjouis aussi de ce nouvel endroit. Découvrir ce quartier. Rencontrer des personnes. Dénicher de bonnes adresses. Me promener dans les rues d'à côté. Admirer les façades. Créer de nouvelles habitudes.
Ouvrir un nouveau chapitre de ma vie.
Pour l'instant, je suis assez fatiguée de tout ce remue ménage, notre appartement dégueule de cartons, on a un milliard de choses à faire, on avance à la vitesse d'un escargot, on doit vider nos comptes en banque pour des conneries, mais je suis vraiment heureuse.
J'ai revu une très bonne amie, nous ne nous étions pas vues depuis presque un an, malgré nos appels et textos réguliers. J'était en phase Cartons Leroy Merlin Vaisselle à Emballer (au niveau maximum). J'avais littéralement des cernes jusqu'au nombril.
En la rejoignant dans la file de l'expo que nous allions voir, elle s'est adressée à moi en me disant "Tu n'as jamais été aussi belle" (c'est l'effet Leroy Merlin).